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LE DERNIER COMBAT SPATIAL

 

Parfois, on n’en croit pas ses yeux. C’était mon cas. Ce qui se passait était totalement insensé.

Les vaisseaux de Mâchoires fonçaient en vol UL vers le kugelblitz. Et des petits machins étincelants jaillissaient des taches virevoltantes couleur moutarde.

Seulement, ces petits machins avaient tout l’air de vaisseaux spatiaux. Non, il ne pouvait guère y avoir de doute. Nous étions à la distance limite pour capter d’aussi petits objets. Mais l’Amour possédait des instruments de premier ordre. Nous pouvions voir en optique, rayons X et infrarouges, ainsi qu’à l’aide des magnétomètres et des gravidétecteurs. Tous les instruments confirmaient la même chose : le kugelblitz avait lancé une armada.

Je m’étais attendu à tout, sauf à ça. À quoi des vaisseaux spatiaux pouvaient-ils servir à l’Ennemi ? Je n’avais pas de réponse, mais toujours est-il que c’étaient des vaisseaux. Immenses ! Et nombreux ! Plus de mille apparemment, et en formation de combat. Ils décrivaient un gigantesque cône fonçant droit sur la poignée de nos croiseurs qui, en comparaison, ne semblaient plus que de minuscules et fragiles jouets.

— Qu’ils fassent sauter leurs maudits rochers ! hurla le général Cassata.

Je hurlai avec lui, c’était plus fort que moi. C’était un combat et je soutenais les miens. Dans l’espace, il est impossible de « voir » directement les rayons, pas même les rayons à forer des Heechees que nous avions convertis en armes et qui constituaient le point fort de notre flotte. On apercevait en revanche les violents éclairs des explosions chimiques, tandis que les croiseurs de Mâchoires lançaient leurs missiles secondaires.

L’essaim des vaisseaux de l’Ennemi franchit nos lignes. Ils étaient intacts.

C’était là un spectacle extraordinaire, bien que terrifiant. En fait, j’ignorais ce qui se passait exactement.

C’était ma première bataille dans l’espace. Pour les autres aussi d’ailleurs, car le dernier combat spatial avait eu lieu entre le Brésil et la République populaire de Chine presque un siècle auparavant, lors de l’ultime guerre sanglante et sans vainqueur qui avait conduit à la fondation du gouvernement multinational de la Grande Porte. Je n’étais donc pas un expert en la matière et n’étais pas à même de prévoir la suite des événements. Toutefois, selon moi, des vaisseaux auraient dû exploser. Des débris de ferraille auraient dû voler dans tous les azimuts.

Pas du tout.

Le cône formé par les vaisseaux de l’Ennemi s’ouvrit et encercla les croiseurs de Mâchoires. Puis… ils disparurent. Ils disparurent et il ne resta plus que la petite poignée de nos croiseurs pelotonnés les uns contre les autres dans l’immensité de l’espace.

Puis les croiseurs disparurent aussi.

Après, juste au-dessous de nous, les lumières de la Roue se mirent à clignoter et elle disparut à son tour.

L’espace était redevenu désert. Excepté la spirale nacrée de la galaxie en contrebas, les lointaines galaxies extérieures semblables à des lucioles et les taches sulfureuses du kugelblitz, il n’y avait plus rien à voir.

Nous reprîmes une forme visible. Cette solitude était trop écrasante. Nous échangeâmes des regards interloqués.

— Je m’étais déjà demandé si une chose pareille serait possible, observa Albert Einstein en fumant calmement sa pipe.

— Maudite machine ! rugit Cassata. Si tu sais ce qui va se passer, dis-le !

Albert haussa les épaules.

— Vous le verrez par vous-mêmes, répondit Albert, car je crois que cela va être notre tour.

Sa prédiction était exacte. Tout disparut. Tout, sauf notre vaisseau. Nous ne voyions plus rien, sauf la grisaille granuleuse d’un vaisseau filant plus vite que la lumière. Comme un avion en plein brouillard.

Ensuite le brouillard se dissipa. Les capteurs nous envoyèrent des images nettes. Sans avertissement, nous aperçûmes le solide espace noir qui nous était familier, des étoiles… et même une planète et une lune. Bon sang, mais oui ! Cette planète et cette lune étaient celles que les yeux des humains (ou des presque humains) regardaient depuis un demi-million d’années.

Nous étions tout simplement en orbite autour de la Terre. Il y avait aussi une quantité d’autres artefacts : les croiseurs de Mâchoires et même l’immense Roue de l’Observation.

Je me sentis totalement dépassé. N’empêche que je sus aussitôt comment réagir, car lorsque je suis dépassé, il y a toujours une chose qui peut me venir en aide.

— Albert ! criai-je.

Mais Albert continua à contempler la Terre, la Lune et les autres objets en fumant sa pipe et ne me répondit pas.

Les Annales des Heechees
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